Évolution du genre:En 1630, la comédie était un genre mineur, délaissé aussi bien par les auteurs que par les théoriciens du théâtre (en cela, ces derniers se plaçaient dans la continuité d'Aristote, qui, dans sa Poétique, ne parlait pas de la comédie au sens moderne qu'on lui donnait au XVIIe siècle).
Le théâtre comique avant Corneille se composait surtout de pièces outrées et grossières, inspirées de la farce ou de la commedia dell'arte. Corneille pratiqua dès ses débuts une comédie d'un genre nouveau, fondée sur la description des mœurs et des caractères, et accordant une place prépondérante à la peinture de l'amour.
Caractéristiques:Inspiré par le genre pastoral, et en particulier par l'Astrée (1607-1627) d'Honoré d'Urfé, la comédie cornélienne est un genre mondain où l'auteur met en scène, dans un décor urbain, les jeunes gens de la bonne société d'alors: péripéties , obstacles et doutes quant à la réussite de leurs intrigues amoureuses constituent l'objet des dialogues aussi bien que le moteur de l'action dramatique. Mais, là où la pastorale proposait surtout, dans un climat harmonieux, une réflexion sur les conséquences sociales du sentiment amoureux, Corneille s'attache à dévoiler la véritable nature du cœur humain, en confrontant ses personnages à des situations extrêmes et douloureuses (la prison, l'abandon, la trahison, etc.).
Ses comédies ne sont donc pas comiques au sens où elles chercheraient à faire rire: elles se rapprochent plutôt d'un « romanesque gai », d'un « réalisme aimable », dans la mesure où elles peignent avec vraisemblance la vie quotidienne bourgeoise.
C'est d'ailleurs par ce trait qu'elles s'opposent à la tragédie , qui ne s'intéresse qu'aux personnages nobles de l'histoire et du mythe.
Par ailleurs, Corneille souhaite donner dans son théâtre une impression de naturel, et les dialogues de ses comédies se veulent une « imitation de la conversation des honnêtes gens ».
Passion et gloire:Le fondement même de l'héroïsme cornélien est l'orgueil, c'est-à-dire l'amour-propre, qui ne va pas sans le souci de sa propre réputation. Bien davantage que par l'idée du devoir, le héros de Corneille est dominé par son besoin absolu de liberté, aussi se laisse-t-il volontiers conduire par la passion. Cependant, loin d'être déchiré par celle-ci, il parvient toujours à l'accorder aux nécessités de sa gloire et, quels que soient les événements auxquels il se trouve confronté, il est toujours victorieux. C'est le cas dans le Cid, où Rodrigue choisit l'honneur avant l'amour, et obtient finalement les deux. C'est encore le cas dans Cinna, où Auguste, qui a préféré la clémence à la vengeance, gagne à la fois la gloire et la paix. De manière générale, l'orgueil du héros cornélien, fondé sur le sentiment de sa supériorité aristocratique, le conduit à exhiber sa propre valeur, à donner sa grandeur en spectacle aux autres personnages: rompus à toutes les techniques dramaturgiques, Corneille sut exploiter à merveille les possibilités du théâtre dans le théâtre. Cependant, l'héroïsme cornélien n'est pas exclusivement spectaculaire. Il symbolise aussi un idéal personnel de défi et de noblesse, destiné à conjurer la menace de l'échec, de l'anéantissement et de la mort. La morale cornélienne consiste en définitive à faire coïncider les désirs, les passions et les instincts de ses personnages avec la conception qu'ils ont de leur propre supériorité, ce qui les entraîne inéluctablement à dépasser le statut de simple personnage pour accéder au rang de héros. Toujours admirables par l'exemple qu'ils offrent du pouvoir de la volonté humaine contre la force des choses, les héros de Corneille ne sont donc pas ceux de la véritable tragédie: loin d'être anéantis par une fatalité qui les dépasse, ils sortent victorieux des épreuves. En outre, une fois leurs grandes actions achevées et après qu'ils ont assuré leur salut et leur gloire vient pour eux le temps de l'amour, de la clémence et de la sérénité, temps béni qui est interdit définitivement aux héros tragiques.
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